PENSÉES SUR LE LION – L'Être impérissable

Le passage du Soleil de la conscience de masse dans le Cancer fait place à la conscience individuelle dans le Lion.  L'individualisation est l'émergence de l'âme sur le chemin de la sortie ; l'émergence de la vie dans les mondes manifestés par l'intermédiaire d'une forme. De la masse ou du troupeau émerge l'unité autosuffisante et, avec le temps, nous disent les écrits d'Alice Bailey, le développement de l'individu s'achève dans une personnalité intégrée. Lentement, cependant, l'individu autosuffisant devient de plus en plus conscient de sa singularité, de sa solitude et de son isolement en tant que centre de son petit univers. Avec le temps, la nécessité d'enlever les couches qui enferment le moi séparé génère une crise dans le Lion, préparant l'éveil du principe christique au centre de l'être, qui est l'amour et l'identification. « Le thème saillant du Lion, est l’activité de l’unité consciente de soi en rapport avec son milieu environnant et le développement d’une réponse sensible aux impacts extérieurs par celui qui demeure – comme le Soleil demeure – au centre de son petit univers. L’histoire tout entière et la fonction du Lion et ses influences peuvent être résumées dans le mot « sensibilité », disent les écrits d'Alice Bailey¹. Cette reconnaissance croissante est exprimée dans la note clé du Lion, Je suis Cela et Cela c’est moi.

C'est peut-être là la crise actuelle, car le sens du moi, de mes droits, de mes besoins, de mes objectifs, semble tout-puissant ; pourtant, pour beaucoup, il s'avère insuffisant, ce qui est un signe d'espoir.  Depuis que les êtres humains sont conscients d'eux-mêmes, ils s'interrogent sur la nature de l'identité, une quête pour laquelle les Anciens ont tracé une voie qui remonte à l'interrogation de Dieu par Moïse, dans Exode 3:14, et qui est explorée en profondeur dans l'enseignement hindou. La réponse, nous dit-on, réside dans la reconnaissance du fait que "Je suis" n'est pas suffisant ; "Je suis Cela" est la porte d'entrée vers un sens plus expansif de l'être, progressant vers la reconnaissance que "Je suis Cela et Cela c’est moi", et culminant, à un stade avancé de l'initiation, dans la réalisation que "Je suis Celui qui suis".

Le potentiel de progression à travers ces étapes pourrait être dissimulé dans la crise mondiale actuelle : la polarisation et l'isolement de la société moderne. L'interaction des polarités astrologiques a toujours un effet provocateur, et alors que les forces de synthèse et d'amalgame du Verseau se déversent, annonçant une nouvelle ère, elles évoquent une réponse du Lion, l'opposé polaire du Verseau, et représentent un défi pour le concept humain d'identité, de soi. L'envie de se tenir à l'écart, de préserver les remparts du moi isolé, indépendant et "libre", est puissamment stimulée non seulement chez les individus mais aussi chez les groupes et les nations entières, augmentant la séparativité et le nationalisme, resserrant les frontières à la fois physiques et psychologiques. Il existe cependant un antidote à cette force d'attraction, qui réside dans la compréhension du Soi.

Connaître ce Soi inflexible, a écrit le spécialiste de la philosophie et de l'art indiens Heinrich Zimmer, est la quête de la pensée indienne. Il est intéressant de noter que l'accès au véritable "Soi" ne passe pas par le progrès, la croissance ou l'évolution vers des sphères extérieures plus grandes, mais par l'éveil à ce qui a toujours été présent.  Selon Zimmer, "le recueil de soi amène à la conscience ce qui repose déjà dans un état caché, dormant et tranquille, comme la réalité intemporelle de son être". Quelque chose qui était taché, obscurci, est restauré dans sa gloire originelle, nettoyé, éveillé et immaculé, comme dans le polissage d'un miroir.

Dans la Bhagavad-Gita, il est dit : "Celui qui voit le Seigneur Suprême demeurer également dans tous les êtres transitoires, l'Impérissable dans les choses qui périssent, celui-là voit vraiment."  Lorsque l'épaisse croûte de désir, de déception, d'égoïsme et de chagrin, accumulée au cours d'innombrables vies, est ébréchée, le véritable Soi – l'être impérissable – est révélé. La réalisation que ce Soi intérieur (Atman) est présent en toutes choses (Brahman), sous-tend la véritable signification du partage. Le principe du partage, qui est au cœur du Verseau, permet de sortir de la discorde, de l'agressivité et du désir de domination qui sont si visibles à l'heure actuelle. Au-delà de la nécessité de partager les avantages matériels, il existe un aspect encore plus élevé du partage qui est un service spirituel puissant exprimé par Plotin : la capacité de "voir toutes choses, non pas en devenir, mais en Être, et de se voir soi-même dans l'autre.  Chaque être contient en lui-même tout le monde intelligible. C'est pourquoi tout est partout.  Chacun est Tout, et Tout est chacun... lorsqu'il cesse d'être un individu, il s'élève à nouveau et pénètre le monde entier".  La note clé du Lion, Je suis Cela et Cela c’est moi, montre la voie vers cette révélation.

1. Alice A. Bailey, Astrologie ésotérique, p. 294