La notion de liberté n’est pas simple à définir. Sa définition dépend en partie de l’état de conscience dans lequel l’individu se trouve. S’il est focalisé dans sa nature émotionnelle et dans son désir, il goûtera au sentiment de liberté lorsque les conditions pour répondre à ses envies seront présentes. Ce sentiment sera vécu de façon épisodique dans un cycle frustration-satisfaction. Mais la vraie liberté n’est pas un sentiment fluctuant, c’est un état d’être.
Si l’individu est polarisé dans son Moi personnel, il pensera probablement qu’être libre, c’est agir selon sa volonté personnelle selon la formule « je fais ce que je veux, quand je veux ! » Là encore, il ne s’agit pas de liberté, mais d’égoïsme, d’insouciance, voire d’inconscience vis-à-vis des limitations physiques inhérentes à l’incarnation et des contraintes et obligations de la vie sociale. Nous ne vivons pas seuls ; nous sommes en interdépendance avec les autres. Ne dit-on pas que notre liberté s’arrête là où celle des autres commence ?
La volonté personnelle conduit inévitablement à des impasses ou des dérives morales. On en vient à blesser autrui, consciemment ou pas, lorsque celui-ci est un obstacle à la poursuite et à la satisfaction de notre désir ou à la réalisation de notre ambition.
Comment faire pour que la liberté se marie avec l’innocuité ?
L’amour du Soi spirituel est une condition essentielle. « Aime et fais ce qu’il te plait » disait Saint Augustin. Cette liberté implique responsabilité et compréhension aimante.
Cependant, peut-on vraiment connaitre la liberté absolue tant que l’on vit notre existence terrestre ? Notre imagination peut nous aider à nous émanciper des contraintes physiques, mais au final nous restons en quelque sorte « prisonnier du temps ». Cronos était vu par les Grecs comme le symbole du temps qui dévore nos vies à chaque minute qui passe. Si nous sommes identifié à notre mental, on peut effectivement dire que le temps nous dévore, que notre durée de vie est « comptée » et que la mort donnera le coup final. L’intellect est une faculté psychique qui conditionne fortement notre perception du temps. De plus, il nous enferme dans des schémas émotionnels dès que nous sommes identifié à certaines formes-pensées, croyances, ou avec les rôles sociaux qui forgent notre personnalité. C’est donc seulement lorsque nous sommes identifié au Soi que nous créons un espace entre le Je observateur et les pensées qui nous traversent. Se focaliser dans le Soi transpersonnel est donc un processus de libération de l’emprise de l’égo inférieur qui s’identifie sans cesse à des formes, à des caractéristiques ou des fonctions. Chaque être humain peut donc s’engager sur ce chemin de libération avec en point de mire l’Idée de liberté telle qu’elle existe sur le plan spirituel (le « monde des Idées » de Platon). Chaque Idée est une étoile dont on n’aperçoit qu’une faible lueur. Lorsque nous atteignons un alignement harmonieux entre le Soi spirituel et le Moi personnel, nous pouvons percevoir et vivre quelque peu cet état de liberté, situé hors du temps, puisque le Soi vit dans l’éternel présent (ou ce qu’on appelle l’éternité), libre de toute identification matérielle, orienté vers l’infinité de l’Esprit.
La liberté n’est pas quelque chose qu’on acquière instantanément, mais c’est le résultat progressif de l’évolution. Au départ, il n’y a pas de liberté puisque l’homme vit sous l’emprise de sa nature animale, conditionné par ses instincts (l’inconscient inférieur). C’est seulement lorsque l’individu se reconnait comme Moi observateur et acteur au centre du champ de conscience que la notion de choix apparait ; liberté de choisir au sein des paires d’opposés. La liberté se trouve sur la Voie du milieu entre les deux grandes lignes de forces. Entre les paires d’opposés du plan émotionnel et mental, on trouve l’équilibre. Ce sentier étroit comme la lame d’un rasoir permet à notre essence spirituelle de se déployer et de rayonner, reliant le Soi spirituel et le Moi personnel.
C’est une liberté très relative tant qu’il n’y a pas une certaine maitrise émotionnelle. Une liberté plus grande apparait lors de la focalisation dans le plan transpersonnel, ce que nous expérimentons en méditation. L’individu peut évoluer librement dans le monde des idées et choisir de développer telle recherche philosophique, telle ligne idéologique, telle qualité, tel état d’esprit… A ce stade néanmoins, il est encore enclin à la domination de la personnalité ; l’ambition le conditionne parfois à tel point qu’il est comme prisonnier de sa fonction et de ses activités alors qu’il a la liberté de mouvement et qu’il se croit libre. A l’inverse, on peut être en prison et demeurer libre dans son esprit. Ce fut le cas de Gandhi, de Nelson Mandela, et aussi de Saint Paul qui, lors de sa captivité par le pouvoir romain était très conscient que sa condition de détenu était dirigée par la volonté de Dieu, autrement dit le destin. Il avait appris à cultiver le contentement en acceptant les conditions dans lesquelles il se trouvait. Lorsqu’il y a acceptation de notre destin, les résistances personnelles sont levées, et l’état de liberté est réellement vécu.
Acceptation, ne signifie pas résignation. Le Dr Frankl, qui passa plusieurs années dans un camp d’extermination durant la guerre 40-45, nous exprime, dans une phrase pleine d’espoir, ce qui est au fondement de sa méthode thérapeutique : « Tout peut être pris à un homme, sauf une chose, la dernière des libertés humaines – de choisir son attitude dans n’importe quel ensemble de circonstances, de choisir sa propre voie. »
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